Du champagne à la neige

Ma nouvelle colocataire est partie hier soir vers 18h pour aller « se faire couper les cheveux » et après plusieurs jours passés à prévenir qu’elle ne ferait rien pour le nouvel an malgré les nombreuses invitations. Elle est revenue ce matin avec la tête de quelqu’un qui a passé la nuit à souffler dans des langues de belle-mère et jeter des cotillons.

Quant à nous, après avoir passé une bonne heure dans un rickshaw, zigzaguant entre les nombreuses voitures de police garées un peu partout sur les grands axes, nous avons fini par trouver l’appartement d’Andheri East (une banlieue pas moche mais réputée pour son manque de sexitude) où avait lieu notre Saint-Sylvestre.

Notre Chandon (le mousseux le plus facile à trouver à Bombay) a fait beaucoup trop d’effet et le maître des lieux s’est lancé dans une conversation typiquement indienne sur deux thèmes : (1) pourquoi en Inde on boit le champagne à la bouteille ?, (2) comment se fait-il que le Chandon coute à Bombay tant, quand il coute moins cher à Delhi – où le Moët est hors de prix, alors qu’à Hong Kong ou Singapour le Moët est un peu moins cher mais le Chandon est aussi beaucoup moins cher, sachant que les taxes d’importation d’alcool sont si élevées pourquoi les Français s’obstinent à ne pas faire fabriquer leur champagne ailleurs que dans leur pays, bref il vaut mieux acheter du whisky.

Je n’ai pas tout compris, mais j’ai beaucoup apprécié l’enthousiasme de notre ami pour la science comparative. Plus tard, ce même bonhomme nous expliquait que la neige sur laquelle les Indiens skient au Cachemire est de type « Black Triple X » et que c’est bien meilleur que la neige de Courchevel. Ca m’a donné très envie de reconstituer le clip de Last Christmas dans une station cachemirie.

Il y avait un avocat de Bollywood, une « voix » pour les publicités, une ex-productrice de MTV en Inde, une chargée de marketing dans une grande chaine de vêtements indiens, un réalisateur de pub, un exploitant de thé qui veut faire pousser de l’herbe et en faire un remède contre le cancer, un exportateur filou ou encore un communicant pour un championnat de badminton. Beaucoup venaient du nord de l’Inde – du Pendjab ou du Cachemire et on a donc pas mal parlé de la coalition qui arrive au pouvoir dans la région si agitée ces derniers-mois. On a aussi parlé de Bombay qui n’est pas toujours marrante pour ceux qui n’aiment pas trop le Shiv Sena – le parti de feu Bal Thackeray, ce nationaliste hindou. On a surtout parlé de l’accent français qui leur rappelle l’inspecteur Clouzot de la Panthère Rose et de Thierry Henry est-il plus sympa que Nicolas Anelka ?

Après avoir mélangé le Chandon avec le Old Monk (rhum indien), après quelques verres de Nimbu Pani (de l’eau au citron), et surtout, après avoir été gavés par la maitresse de maison de chicken byriani puis de macarons orange-chocolat (pas mauvais finalement et se mariant parfaitement avec le riz épicé), nous avons pris la route de notre banlieue à nous plus au sud.

Dans les journaux de la veille, la nouvelle qui barrait les unes était la fermeture à 5h des bars et des restaurants pour la fête. Sur la route nous voyons de partout des femmes en robe de sirène enlever leur chaussures pailletées à plateforme en sortant de boites de nuit, des hommes tentés d’ouvrir le premier bouton de leur pantalon en sortant de restaurant. Nous arrêtons le rickshaw devant le meilleur bar de Bandra : un rade de pirates où les cafards et les rats pullulent mais qui fleure bon le troquet du port ou le bar des sports, voire le café de la poste. Bonne année !

 

(Sinon saviez-vous que les Français étaient les plus fêtards du monde ?)

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