From A to Z

On dit souvent de Narendra Modi qu’il est, avant tout, un excellent communicant. Je voulais vous livrer ici quelques unes de ses dernières perles :

« Drug is a 3D problem. It only brings Darkness, Destruction, Devastation”

« INCH to MILES : India-China to a Millenium of Exception Synergy »

« RSVP : Rahul Sonia, Vadra et Priyanka » (les membres de la petite famille du Congrès)

 “5Ts: Talent, Tradition, Tourism, Trade and Technology”

**Je voudrais parler de Charlie Hebdo. Mais je préfère attendre.**

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Attentat

Au moins 55 Pakistanais sont donc morts hier à la frontière indo-pakistanaise, et 200 personnes ont été blessées.

Pour récapituler : un groupe de mecs, Jundullah, s’est associé à un autre groupe similaire, Tehreek-i-Taliban Pakistan (TTP), et ils ont revendiqué l’attentat ensemble (en même temps qu’une poignée d’autres groupes).

Le TTP est connu pour s’opposer régulièrement à l’armée régulière pakistanaise pour diverses raisons.

Difficile de savoir ce que ces mecs voulaient ou espéraient. Ils ont ciblé des Pakistanais nationalistes qui assistaient à un slaut aux couleurs, pas tellement les ennemis traditionnels de ces groupes armés : d’autres groupes armés, les journalistes, les laïques, les progressistes, les juifs, et les supporters du PSG.

 

Le groupe Jundullah a indiqué que l’explosion répondait à une offensive de l’armée pakistanaise sur le TTP (leur copain donc) au Nord-Waziristan (qui, pour ne rien arranger, se situe à l’est du pays, et est aussi une zone frontalière). L’armée pakistanaise a essayé de reprendre le contrôle sur la région, et de niquer le TTP. Je comprends que ses membres aient les boules.

Je résume : une bande de mecs associée à une autre bande de mecs se fait taper dessus par l’armée. La bande associée tire sur des policiers et des nationalistes à l’autre bout du pays. Pas sûr que ça aide beaucoup leur cause, mais bon pourquoi pas…

 

Ca se corse car peu après, une autre bande de mecs encore, Jamaat-ul-Ahrar, a affirmé être à l’origine de l’explosion, et prévient qu’elle va balancer des vidéos pour le prouver.

Je ne sais pas si ça change grand chose vu que Jamaat-ul-Ahrar dit aussi que l’explosion est une réponse à l’offensive de l’armée pakistanaise sur le TTP.

 

Comme plusieurs fois auparavant l’état pakistanais n’a pas l’air de bien maitriser ce qui se passe. L’armée et les renseignements du pays ont pas mal fricoté avec ces bandes de loubards armés et maintenant je crois que Rawalpindi, Lahore, Karachi, ou Islamabad sont les vrais nids d’espions de la région.

Il doit y avoir un paquet de types qui se tiennent un peu par les couilles les uns les autres, des agents doubles très cyniques, des militaires qui sont d’accord avec les groupes armés, et d’autres qui sont d’accord avec les ordres : il ne faut pas les laisser proliférer.

Dans la même famille, on peut trouver des soldats autant que des combattants moins « réguliers ». Entre les rancoeurs personnelles, les services rendus, et liens familiaux… ça ne doit pas être évident.

En tous cas, les Indiens flippent… Ils se disent que l’état voisin n’est même pas capable de surveiller sa propore sécurité, et qu’en plus il commence même à se faire attaquer, lui-même, par des groupes qu’il soutenait du bout des lèvres il y a peu.

Depuis le manque de coopération de l’état Pakistanais dans l’enquête sur les attentats de Bombay de novembre 2008, des attentats perpétrés par le même genre de groupes armés, les Indiens ont assimilé une chose : peu importe ce que le gouvernement pakistanais dit qu’il fera avec les propriétaires des cavernes pleines d’AK47 et de Coran : les bandes seront toujours plus fortes et la détermination du pouvoir jamais assez.

Dommage, après la fabuleuse affaire, quasi-freudienne, du sari blanc, que Narendra Modi ai coupé les ponts avec le Pakistan… Ca risque de chauffer. L’attentat de dimanche soir a littéralement eu lieu à 500 mètres du territoire indien.

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Mums & mortar

Le Pakistan, ses mollahs, ses bijoux, ses intellectuels… Je suis complètement fascinée par ce pays souvent médiatisé comme un pays de fondamentalisme religieux et d’hommes en armes, alors qu’il peut aussi inspirer la poésie orientale, Lollywood (l’industrie du film à Lahore), ou les plus belles soies du monde. Mixer toutes ces représentations ensemble donne un mollah enrubanné de soie qui regarde un soap-opera conservateur en attendant le chant d’un muezzin au loin… Bref, je m’égare, et si je voulais en parler aujourd’hui c’est surtout parce que le Pakistan est ici un mystérieux voisin… Je ne peux pas être exhaustive mais je note tout de même quelques évènements récents :

Episode numéro 1:

D’abord il y a eu le rapprochement Modi-Sharif. Juste après avoir été élu, Narendra s’est enflammé pour la réconciliation pakistanaise et a rencontré Nawaz Sharif, le premier ministre pakistanais. Et là de quoi parlent nos deux bonshommes ? De leur maman. Quand Modi a été élu, ses premiers mots ont été pour sa mère, qu’il a ensuite été voir, le tout accompagné de force tweets. Du coup, Sharif aurait dit à Modi que ça l’avait retourné, bouleversé même ; que lui aussi, aime beaucoup sa maman, et qu’elle avait été touché par le comportement de Modi, un bon bougre qui n’oublie pas sa pauvre mère même en pleine gloire post-éléctorale. Modi a donc filé un châle à la maman de son nouveau pote. Et la fille du premier ministre pakistanais de twitter :

https://twitter.com/MaryamNSharif/status/471340222547238912

Sharif, peut-être sous la pression de môman, a lui, envoyé direct un sari blanc pour ModiMama. Et tout le monde est content. Les deux pays se sont séparés dans le sang, et pas qu’un peu. Entre le nucléaire, les attaques terroristes, et un paquet de conflits territoriaux, on aurait pu penser qu’ils se parleraient d’autres choses, mais on devra se contenter de la séquence émotion !

Episode numéro 2 :

La semaine dernière, le Pakistan rompt le cessez-le-feu à sa frontière avec l’Inde. Je me lève et je vois ça sur twitter, mes cheveux se dressent sur ma tête. Mais il semblerait que je sois seule dans mon cas! Personne ne s’en soucie véritablement. Même si les mecs ont tiré à l’arme lourde (je n’ai pas vraiment réussi à comprendre pourquoi), il n’ y a pas eu de victime. Une affaire à suivre tant le manque de buzz (surtout comparé à celui généré par les salamalecs maternels) est surprenant.

  • Enfin aujourd’hui je lis cette brève qui ne présage rien de bon :
Checklist du Monde.fr

Checklist du Monde.fr

En guise de conclusion provisoire, je vous livre cette phrase toute faite, forcément à propos : Si proche et si loin, ce pays ça doit vraiment être quelque chose.

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Showman

Aujourd’hui Narendra Modi, le nouveau premier ministre indien, a pleuré devant les membres de son parti, le BJP.

D’abord c’étaient des yeux mouillés, ensuite de plus larmes d’émotion, et enfin il a fini par éclater en sanglots pendant son discours d’ une demi heure.

Tout de suite, sa réputation de gros méchant en prend un coup, me dis-je.

Ensuite, il a carrément joué les modestes : son collègue, autre ténor du BJP, L.K. Advani (sûrement un hommage à L.K. Bennett) avait parlé de Modi en utilisant le mot « kripa » (bénédiction) ; là le futur premier ministre a repris l’anecdote (effet personal-branding moussant), avant de dire qu’il ne pouvait pas accepter un tel qualificatif (effet humilité), et de fondre en larmes (effet bonus).

Depuis le début de la journée, il en faisait un peu des caisses avec ses génuflexions et autres actes de contrition. Résultat : tsuNaMo (je rappelle que NaMo, c’est son petit nom) de réactions sur les réseaux sociaux en Inde, qui ont bien kiffé cette séquence émotion.

Du coup, c’est moi qui me suis trompée. Ce mec a vraiment tout compris en fait. Une âme de labrador dans un gant de fer.

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Magic Modi

Alors ce bon NaMo a réussi a s’imposer avec une écrasante majorité – en faite c’est la plus large présence d’un parti à la chambre depuis 1984 (quand le BJP était au pouvoir).

On parle maintenant encore beaucoup de son bilan comme gouverneur du Gujarat, ce serait ce qui a fait basculer le vote en la faveur du BJP. De l’avis général, la réussite est impeccable, mais en y regardant de plus près on voit que même si le revenu moyen a pu dépasser son équivalent national et même se multiplier par 4 pendant les 12 ans de gouvernance de l’état par Modi (des chiffres qui changent de papier en papier), d’autres indices (alphabétisme, nutrition,…) montrent que le Gujarat n’est pas non plus un éden absolu.

Je crois que la campagne de Modi à grands renforts de symboles puissants et de méga meetings à travers tout le pays a véritablement été l’élément déterminant dans son élection. Le mec – particulièrement charismatique- s’est quand même produit partout – parfois même sous la forme d’hologramme. Grande classe. Rien d’étonnant peut-être de la part d’un dirigeant de parti dont l’une des devises est « No red tape, only red carpet » (même si ça s’adresse aux entreprises) ?

 

Bref, pour rendre hommage à cette célébration de l’entertainment et du spectacle, j’ai aujourd’hui été voir Godzilla en 3D dans un mall de Juhu. Le délice du samedi après-midi, surtout quand ça implique ça :

CRouveyrolles

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Drums & firecrackers

Ce matin je suis passée au siège local du BJP à Bombay, au départ il y avait plus de banderoles que de fidèles. Sur la trentaine de mecs qui regardaient l’écran installé dehors, bon nombre avaient l’air de s’être arrêtés par hasard. Mais plus les résultats tombaient, plus la foule grossissaient. Les dirigeants locaux du parti distribuaient des laddoos (des sortes de boules de sucre frites), et des pétards (au début on m’avait parlé de “fireworks” donc je me demandais ce que ça donnerait de jour).

CRouveyrolles

Et vers 11H30 quand les estimations un peu fiables sont arrivées sur l’écran, et que la question commençait à être: “le BJP va-t-il avoir une grande ou une petite majorité?”, la foule est devenue tout simplement hystérique. Comme toujours, les gens ont le visage déformé par la joie, les cris se transforment en vagissements monstrueux pour celui qui n’a pas rejoint la liesse, et les pupilles luisantes des participants ne laissent rien présager de très raisonnable. Un peu crispant peu importe le parti qui régale.

Je vais maintenant que retourner le cerveau pour faire la meilleure intervention possible sur BFM.

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Wolf of Wall Street

C’est assez intéressant parce que tout le processus de vote indien n’est comparable en rien à ce que je connais. Tout le monde a fait des gorges chaudes de « la-plus-grande-élection-démocratique-jamais-organisée », et c’est vrai que des machines à voter électroniques, aux files gigantesques de citoyens devant les bureaux de votes, les images étaient assez impressionnantes.

Reuters (c)

Pour récapituler : il y a eu donc plusieurs phases de votes dans des « lots d’états » – y compris des moments où les gens ont été voté une deuxième fois parce que des tentatives d’intimidations avaient été observées. Ensuite, les derniers votes ont eu lieu lundi, et depuis tout le monde attend le début du dépouillage qui devrait avoir lieu vendredi matin.

Entre les deux, on ne sait pas trop ce qui se passe… Et je n’ai pas grand chose à me mettre sous la dent. Le BJP (parti conservateur nationaliste hindou) est donné vainqueur, mais aura-t-il la majorité à la chambre ? Il est vraiment difficile de croire les prévisions qui semblent soient achetées, soient pas très sérieuses

Le suspens est à son comble, mais pour les petits malins qui s’intéressent à la bourse : ça remue déjà. Anticipant une large victoire du BJP, ce qui mettrait Narendra Modi (un homme proche des milieux d’affaires) dans le siège du premier ministre, les marchés sont enthousiastes.

Depuis décembre, Modi et ses méga-meetings enflammés boostait les achats d’investisseurs étrangers à la bourse indienne. Mais ces jours, les deux indices boursiers du pays, le Nifty et le Sensex battent des records.

La roupie, dont, quand je me suis installée en Inde, on ne parlait que pour s’inquiéter de sa dramatique dévaluation (en partie à cause de l’arrêt de grosses injections de capitaux de la banque centrale américaine), remonte désormais. Ce qui n’est pas pour arranger mon pouvoir d’achat.

Ce qu’il se passe (version pour les nuls) : la croissance indienne baisse depuis un moment -> on blâme le Congrès –parti au pouvoir- qui est un peu mou du genou -> on valorise le bilan économique de Modi dans l’état dont il est gouverneur, le Gujarat qui a au moins 8% de croissance annuelle.

Goldman Sachs, dès novembre, avait revalorisé l’Inde auprès de ses investisseurs en annonçant déjà une victoire pour Modi.

C’est bien beau tout ça, mais ce bon vieux Narendra Modi (NaMo pour les intimes – à une seule lettre du poisson clown), n’est pas qu’une sorte de martingale des marchés. En 2002 il avait été accusé d’avoir fermé les yeux (au moins) sur le massacre de plus de 1000 musulmans par des hindous au Gujarat. La Cour suprême indienne l’a blanchi. Mais il est toujours censé être privé de visa par l’Union Européenne et les Etats-Unis pour cet incident fâcheux.

Du coup, je me demande comment vont faire tous les politiques et diplomates du monde occidental qui le snobaient sans vergogne depuis lors ?

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Google city ?

Hyderabad est une ville immense. Chaque déplacement prend un temps fou. Les chiffres que vous pouvez retenir pour briller en soirée : l’agglomération compte plus de 10 millions d’habitants, et il y a 140 lacs. Les lacs, l’arc de triomphe local, et la Silicon Valley indienne sont les trois choses pour lesquelles cette ville –assez moche- est connue.

CRouveyrolles_Golconda Fort

On voit les lacs depuis un ancien fort, auquel on accède via un bidonville. Sur les murs des pubs pour des écoles vantant leur « 100% de réussite à tous types d’examens » sont peints avec application. Le fort se visite moyennant une centaine de roupies par tête étrangère, et cinq roupies pour les Indiens comme l’immense majorité des monuments nationaux. Une fois dans l’enceinte de ces ruines immenses, des tas d’Indiens veulent te prendre en photo, on ne sait pas trop pourquoi.

A ce propos, en quittant Bombay (par bus –une épopée), on a croisé les milliers de personnes qui sortaient du méga-meeting de Narendra Modi. Le BJP avait réservé plus de quarante trains pour que les militants puissent venir de partout, et il y avait en tout plus de 600 000 personnes. En un quatre mots comme en cent : c’était le gros bordel.

Tout ça pour dire qu’à cette occasion, le moustachu et moi nous sommes retrouvés au milieu d’une foule surexcitée par le charismatique leader populiste qui a adoré nous prendre en photo sous toutes les coutures, si possible en photobombant leurs marmots dans le cadre.

Je vois ça comme le début de ma starification, aussi pour imposer ma signature, je vais commencer à faire des duckfaces à chaque fois qu’on me prend en photo –ce qui n’est pas facile car souvent les Indiens te prennent en photo en mode discret paparazzi.

Pour en revenir à Hyderabad, à part les lacs, il y a une sorte de mini arc de triomphe très charmant. C’est amusant parce que visiblement personne ne sait à quoi servait ce monument du XVIème siècle qui porte le joli prénom de Charminar. Autour c’est la « vieille ville » : un mélange de bazar, beaucoup de poubelles et des maisons anciennes très sales dont on devine -avec beaucoup d’imagination- l’élégance désuète.

CRouveyrolles_Charminar1

 

CRouveyrolles_Charminar2

C’est l’opposé du reste de l’agglomération qui se veut « en pointe ». Tout le monde est fier de raconter que Google a posé ses valises ici et que les malls sont de « dernière génération » (sic). Les gens conduisent dans de grosses voitures, les femmes dans lesdits malls ont l’air un peu désespérées, et on voit souvent des magasins d’équipements sportifs.

Cette partie de la société indienne, les ingénieurs formés aux Etats-Unis –ou aspirant à y aller- est l’objet d’un stéréotype largement partagé dans le monde, et qu’ Hyderabad ne dément absolument pas. Ils sont là, après le travail, avec des casquettes de baseball, en famille ou seul devant le MacDonald’s du « City Center Mall » (quelle imagination pour baptiser ces temples modernes !).

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