Je n’arrive pas à arrêter de lire. Je me gave d’informations sur les terroristes, les nouvelles de l’enquête, les tribunes de ceux qui n’iront pas manifester, les tweets de ceux qui veulent que tout le monde fasse la paix, les témoignages des victimes, des proches des victimes, le discours de tel imam, telle personnalité littéraire sans rapport direct avec l’histoire,… Je pourrais d’ailleurs lire encore pendant des semaines tant le monstre continue à nourrir. Je réfléchis à ce que je vais écrire moi – mais j’ai l’impression de ne pas y voir bien clair. Pas assez pour exprimer des idées.
Pour ceux qui doivent réagir publiquement sur le moment –du porte-parole de RSF à la maire de Paris, ça ne doit pas être évident. Pour les proches des 20 personnes qui sont mortes, harcelés par les médias, ce doit être encore plus dur.
Je ne sais pas ce que je veux écrire, mais ce qui est certain, c’est que quand je lis les nouvelles, les récits des attentats, j’ai vraiment envie de pleurer. Comme beaucoup j’imagine, cette histoire me prend aux tripes et touche quelque chose de très sensible.*
C’est le paradoxe : il y a tellement d’émotions et de confusion dans l’air que je vois mal comment on peut penser dire ou écrire quelque chose d’intelligent sans prendre le temps de se poser quelques questions. Tout le monde parle, partage, évacue son chagrin. Parce qu’on est triste, on a besoin de parler. Mais on ne peut rien expliquer quand on est triste.
Bref, quand je vois certains se pavaner sur les réseaux sociaux avec des selfies à la manif, des annonces vengeresses, ou quand des éditorialistes ont le verbe facile et les trémolos aussi synthétiques que la doublure de la blouse de tante Marcelle, je me dis qu’il faut pardonner à tous ces bavards. Ils ont besoin de vomir quelque chose. Ils déblatèrent. Beaucoup – comme moi- perdent leur temps à les lire ou à les écouter. Plus tard, on réfléchira.
*Quoi? La sécurité? La nation? La paix? La peur?