Motivés

Je vous écris en direct d’un Starbucks du quartier de Khar – éternel “nouveau quartier” de Bombay. Devant le café, des chauffeurs attendent adossés à des voitures ni trop chères, ni trop cheap. Sur la terrasse, des jeunes filles filiformes aux cheveux longs jusqu’à la taille et portant beau débriefent les derniers potins en gloussant. A l’intérieur, on dirait presque un espace de coworking: tout le monde a son Mac aligné sur la grande table impression chêne, et son gobelet en carton de soy milk latte. La faune est assez féminine… Sûrement à cause du match de poule Inde-Pakistan de la Coupe du monde de cricket – un évènement sérieusement sensible.

Je vis quant à moi un drame intérieur: le drame du dimanche. Tous les dimanches c’est la même chose. Faut-il partir explorer Bombay? Faut-il ne rien faire du tout? Faut-il en profiter pour mettre ce blog à jour et travailler encore un petit peu? Faut-il se forcer, ou au contraire se laisser aller? Mais, oui, tel Lénine en son temps, je me demande Que faire?

Pour aujourd’hui je crois que la question est réglée ce sera “ne-rien-faire, surtout-ne-rien-faire“. Je ne sais même plus comment je m’appelle après une semaine de pressage de citron particulièrement intensive, alors je vois difficilement comment je pourrais me donner un dernier petit coup de collier pour me lancer dans une analyse diplomatique de ce match de cricket ou de la victoire de l’AAP -opposition- à Delhi.

Mais parfois ce n’est pas aussi clair. Parfois je suis mi-figue mi-raisin, mi-concentrée mi-abrutie… Et la terrible torpeur du dimanche s’installe: à force de freelancer et de devoir décider comment organiser son temps et se contraindre à la plus grande rigueur, le processus de planning ou tout simplement de prise de décision bugue, on perd les pédales dans son rapport au temps et aux priorités – et enfin, pour résumer, on sombre dans la folie.

Pour les jours où vous ne savez plus par quoi commencer, quelques recommandations qui permettent de glander tout en ayant l’impression de ne pas tout à fait perdre son temps:

* J’ai beaucoup aimé ces cinquante-deux minutes de bonne humeur entrepreneuriale et francophile qui donne envie de se lancer dans n’importe quel projet avec ambition:

* Les portraits pros de Garance Doré sont assez chouettes aussi. Surtout si vous avez envie de luxe (rapport à votre vie de clochard de la pige par exemple) et de savoir comment on fait pour déssiner des chaussures et les vendre très cher (on ne sait jamais… Une reconversion?).

Et quand il n’y a pas moyen de se motiver, autant glander à fond:

* Sur le compte instagram de ce street artist assez poétique.

* Pour la glande chafouine, l’insultron.

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Ô Bal !

Bal Thackeray est-il oui ou non l’homme le plus stylé du monde ? On voit sa photo en 3 par 4 (et en plus grand ou en plus petit) partout dans la ville et autour. Et à chaque fois, je ne me peux pas m’empêcher de remarquer ce style incroyable : à mi-chemin entre Michou et Paco Rabanne.

Je n’écrirais pas un poste sur son action de parrain politique de la ville. Même mort, c’est l’homme le plus puissant de Bombay. Il a créé un parti, le Shiv Sena qui prospère encore. Il était contre la Saint-Valentin. Mais on s’en fout. Aujourd’hui on parle purement chiffons.

Tout part du orange évidemment. La couleur de son parti le RSS, la couleur de l’Inde « saffron » – l’Inde des Hindous, mais surtout une couleur qui met bien son teint très légèrement hâlé en valeur. Le orange, est un pari mode risqué. Il ne convient pas à tout le monde, et il se marie assez difficilement. Ne faites donc pas ça chez vous. Tout comme le trikini est réservé aux femmes à la morphologie de type « avion-de-chasse », le orange est réservé aux modeux avertis comme Bal.

Combiné avec du blanc, c’est aussi chic qu’un tube de crème solaire Avène.

C’est bien ce parfum de vacances, mais aussi la précision clinique des meilleurs produits que veut inspirer Bal. Il a décidé de jouer le color bloc minimaliste : deux couleurs maxi avec une forte dominante qui réveille l’ensemble, le orange est l’atout qui illumine le visage subtilement. Un style smart mais fun, entre tradition et exotisme. Idéal pour les meetings politiques –lorsque le fashion statement ne doit pas éclipser le propos, mais l’appuyer.

Bal nous donne une deuxième leçon de mode, ou comment ne pas être too much alors qu’on porte du orange : accessoiriser. C’est la baseline d’un bon style, l’accessoire relève et révèle des tenues qui même parfaitement étudiées pourraient manquer de prouver leur singularité.

Prenez les lunettes de Bal par exemple. Elles disent : « j’ai bonne mine et je suis aussi vitaminé que ma charte couleur mais je suis aussi une éminence grise, et non un clown ». Tout ça simplement dans une paire de lunettes. Il y a eu plusieurs époques. Les premières étaient ultra-référencées. A mi-chemin entre proto-hipster berlinois et le design italien des années 80. J’aime beaucoup la monture en plastique noir : sobre et humble mais très marquant visuellement ; c’est donc une excellente stratégie de signature stylistique. Ensuite la version fumée est un choix audacieux mais réussi. On sent clairement que Bal, vieillissant, a voulu montrer son ouverture au new age avec cette monture rectangulaire et ces verres fumés « bleu horizon ». En cela, il est tout à fait early adopter, il a prévu le retour de mode mid-90s edgy dont on est témoin aujourd’hui.

Autant de style, c’est aussi une question d’entourage. Après tout, même Garance Doré a des stylistes. Le tailleur de Bal Thackeray, Madhav Agasti a confié en 2011 à CNN : « Vous portez mes vêtements et vous devenez riches et puissants ». C’est Agasti qui a su choisir les meilleurs lins pour Bal. On peut en déduire que Bal appréciait aussi le confort du vêtement, comme bien des icônes contemporaines (cf Mary-Kate Olsen, Mila Kunis,…). Le vêtement n’est plus un carcan, avec Bal – toujours en kurta-pajama, il devient un mode de vie.

Les coiffures ont changé mais elles témoignent du même désir « d’en imposer » sans surjouer. Pour rester lisible il faut parfois savoir minimiser ses ambitions mode. Du coup les styles capillaires peuvent avoir l’air basique, voire un peu trop casual, mais il n’en est rien : le brushing en arrière super aéré et maxi volume, le wet look sur une coupe un peu longue du début de sa carrière qui peut donner une impression de cheveux gras tout à fait grunge, la crinière domptée mais discrètement fuzzy pour éviter un aspect trop lisse…

La barbe aussi change de longueur au gré de ses envies -comme l’ultime coquetterie. Goti façon mauvais garçon/Johnny Hallyday/vacances au camping. Long à la mode rétro-hamish-Renaissance-Brooklyn. Absente comme pour se recentrer… Il a beaucoup expérimenté mais on appréciera son interprétation personnelle des tendances. Le it man n’est jamais trop littéral ni trop premier degré.

 

Bravo, belle leçon de style. Tu en jettes Bal.

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Glamour girl

Avec tout ça, je n’ai pas non plus eu le temps de vous raconter ma folle soirée de la semaine dernière… Incrustée par des amis bien intentionnés, j’ai pu me rendre à une soirée organisée par ELLE India et la marque Bungalow 8 (je croise parfois un des stylistes, un Français aux looks déments).

Déjà la côte glamour de ce blog remonte…
Si j’ajoute que cette soirée avait lieu en l’honneur de SCOTT SCHUMAN aka the Sartorialist, on atteint des sommets jamais même envisagés dans l’histoire de mes blogs.

C’était mieux qu’un truc de Fashion Week new-yorkaise parce que c’était à Bombay. Etant donnée l’œuvre de l’invité de prestige, le street style des pépettes de la ville s’affichait partout sur le rooftop du Four Seasons.

http://elle.in/red-carpet/parties/elle-hosts-the-sartorialist/

Source: Elle.in // Avec le fameux styliste français

Scott Schuman, lui-même, portait une tenue de propriétaire de yacht dédramatisé par une paire de Converse immaculée (et là je me dis que cet homme est un magicien ou qu’il n’a pas mis les pieds dans la rue -ironique pour le spécialiste du street style). Je ne suis pas certaine de valider ces cheveux longs de vieux beau, je crois que je préférais son crane rasé façon « je-suis-photographe-de-mode-mais-dans-une-autre-vie-j’ai-couvert-la-guerre-des-Balkans ».

Evidemment, c’est aujourd’hui que ça m’arrive. A un moment où je ne suis plus si fan de Garance Doré… Mais c’était suffisamment improbable pour être raconté ici.

Un blog indien raconte avec force détails l’échange entre Scott Schuman et les wannabe stars de la sphère fashion nationale, c’est assez intéressant à lire.

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